Le Magicien. Vaudeville en un Acte par Madame de Vogué pour célébrer l’anniversaire de la Naissance de Mad[am]e de Damas ; Représentée pour la 1ere fois au Théâtre de Cirey le Lundy 12 Thermidore An Dix.
Lundy 12 Thermidor An Dix [31 juillet 1802]
Petit in-8 (190 x 145 mm), 12 ff. dont 16 pp. manuscrites, en feuilles cousues par la marge.
Une pièce de théâtre inédite de Madame de Vogué représentée pour l'anniversaire de Madame de Damas au théâtre du château de Cirey.
Le nom de Madame de Damas fait bien sûr penser à la propriétaire du château, Diane Adélaïde de Damas (1761-1835), comtesse de Simiane. Elle l'avait hérité de sa tante Emilie du Châtelet qui avait monté le théâtre du château avec Voltaire son amant. Voltaire y jouait ses propres pièces, entouré de nombreux convives transformés en acteurs.
Ce théâtre encore visible de nos jours est l'une des seules survivances de théâtre privé du XVIIIe siècle.
Nous n'avons pas réussi à identifier avec certitude Madame de Vogué et Madame de Damas, mais un mariage entre les familles de Damas et de Vogué se tint en 1802, unissant Adélaïde-Louise-Zéphirine de Damas (1784-1838) et Charles-Elzéar-François, comte de Vogué (décédé en 1807).
La pièce de théâtre se termine sur le magicien agitant sa baguette magique pour donner le départ d'un feu d'artifice, qui fut sans doute tiré au château pour les festivités.
Ce manuscrit donne un témoignage rare de l'activité de l'un des plus fameux théâtres privés de France.
Simonin Charlotte, « Le théâtre de société à travers la correspondance de Mme de Graffigny », in Quéro Dominique, Les Théâtres de société au XVIIIe siècle, 2005.
Château de Cirey, théâtre de Voltaire
" Lorsque le 4 décembre 1738, Mme de Graffigny arrive à Cirey, tout se déroule d’abord de façon idyllique. Voltaire et Émilie du Châtelet la reçoivent avec amitié, et les journées s’écoulent, studieuses mais plaisantes, emplies de lectures, de discussions et de représentations sur le petit théâtre de Cirey [6]. Ainsi, le 9 février 1739, elle raconte à Devaux un véritable marathon théâtral :
Je saisis un moment ou Md Du Chatelet est montée a cheval avec D. [Léopold Desmarets, son amant, venu la rejoindre] pour vous ecrire, car, en verité, on ne respire point. Vous etes las de me l’entendre dire, mais c’est que je n’ai le tems que de le dire, da! Nous jouons aujourd’huy L’Enfant prodigue et une autre piece en trois actes, dont il faut faire les repetition. Nous avons repeté Zaire jusqu’a trois heures du matin ; nous la jouons demain avec La Serenade. Il faut se friser, s’ajuster, entendre chanter un opera. [...] Nous avons compté hier au soir que, dans les 24 heures, nous avons tant repeté que joué trente-trois actes, tant tragedie, opera, que comedie. (I, 313)
Le 12 février, Desmaret ajoute quelques plaisantes précisions sur la troupe :
Nous contacterVoltaire ne savoit pas son rôle, pas deux vers de suite [7], sans exagérer. Me Du Chatelet jouë a faire vomir, sans ame, tout sur le meme ton, et scandant les vers pied a pied, comme la Frassinetty, c’est-a-dire, beaucoup plus mal que la Barnou. Mr Du Chatelet, a la lettre, n’a pas dit un vers qui en fut un, et en begayant. On souffloit le rôle, mot a mot, au petit Corasmin. Je jouois le papier a la main. Le reste alloit fort mal, Voltaire habillé comme un chianlit. Et malgré cela, de ma vie je n’ay tant pleuré a une tragedie, parce que le peu qu’il jouoit etoit divin. (I, 318)